Présentée par Katherine Macnaughton-Osler
Heure : 13h40
Description de la conférence
Les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont devenues incontournables pour tout organisme impliqué dans l'action communautaire tels les groupes de femmes, engagés dans l'amélioration de la condition des femmes et la défense collective des droits des femmes. Les TIC représentent un outil pour favoriser la participation sociale et démocratique des femmes et des groupes de femmes au Québec.
En dépit des progrès énormes en ce qui concerne l'appropriation des TIC, les femmes et les groupes de femmes sont encore moins branchés à Internet et moins bien équipés que les hommes. Par ailleurs, leur usage des TIC diffère de celui des hommes.
L'information est de plus en plus disponible en ligne et la prise de décisions politiques commence à se faire aussi par le biais d'Internet, entre autres dans le cadre de consultations publiques en ligne auprès des citoyen-ne-s individuel-le-s, processus qui omet de faire appel à l'expertise des organismes communautaires tels les groupes de femmes. Les groupes non-branchés ou moins informatisés risquent de ne pas pouvoir exercer leurs droits démocratiques. Si les groupes de femmes ne prennent pas leur place poliTIC, elles se retrouveront à l'extérieur du processus d'élaboration des politiques qui les concernent.
L'appropriation poliTIC des TIC n'est plus une option pour les femmes et les groupes de femmes : c'est une nécessité qui permet d'exercer avec égalité ses droits de participation citoyenne, en favorisant l'inclusion démocratique de toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec.
Les technologies de l'information et de la communication (TIC) ont eu un impact social important sur les pratiques des groupes communautaires, dont les groupes de femmes. Les TIC sont devenues incontournables pour presque tout organisme impliqué dans l'action communautaire tels les groupes de femmes, engagés dans l'amélioration de la condition des femmes et la défense collective des droits des femmes. Les TIC représentent un outil pour favoriser la démocratie et pour permettre la participation sociale et démocratique des femmes et des groupes de femmes au Québec.
Par le biais de cette présentation, je dresserai un bref portrait de la situation des femmes, des groupes de femmes et des TIC au Québec. Je présenterai surtout quelques-uns des enjeux politiques des TIC pour les femmes et les groupes de femmes, dans le cadre de la démocratie en ligne. La présentation se terminera par la proposition de recommandations et de certaines pistes de réflexion autour de ces enjeux.
Les femmes sont encore moins branchées à Internet que les hommes, surtout les femmes âgées, les femmes en situation de pauvreté et les femmes des minorités ethnoculturelles. Par ailleurs, leur usage des TIC diffère. Les hommes utilisent Internet plus souvent que les femmes pour effectuer des transactions en ligne, jouer à des jeux en ligne et rechercher de l'information sur des produits ou des services. Les femmes communiquent avec des proches par courriel et recherchent de l'information elles aussi, mais souvent au niveau de la santé et des besoins de la famille. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les femmes et les hommes participent tous deux au clavardage en ligne - le « chat ». Les usages d'Internet les plus répandus parmi les groupes de femmes (Québec, Canada) sont : le courrier électronique ; la recherche d'information ou de financement ; et la diffusion d'information sur le groupe et ses activités.
De nombreux obstacles existent qui entravent la participation des femmes et des groupes de femmes à l'appropriation des TIC et la démocratie en ligne. L'obstacle primaire est le financement précaire des organismes communautaires, dont les groupes de femmes. Le manque de fonds de ces groupes cause souvent leur stagnation, voire leur recul technologique, car ils ne peuvent plus assumer les frais associés au maintien des TIC. Le manque de ressources humaines formées et le manque de soutien technique font en sorte que les groupes de femmes ne se soient approprié que peu les TIC à des fins citoyennes et politiques. Ces obstacles valent également pour les femmes individuelles, avec comme élément ajouté les résistances liées aux stéréotypes de l'usage des TIC (souvent vues comme étant principalement des outils « d'homme »). Le fossé numérique entre ceux et celles qui ont les moyens et ceux et celles qui ne les ont pas est toujours présent - Internet n'a pas effacé les inégalités sociales.
En dépit des obstacles, au Québec, les femmes et les groupes de femmes ont fait énormément de progrès en ce qui concerne l'appropriation des TIC. Plus de la moitié des Québécoises utilisent Internet, et elles sont même plus nombreuses que les hommes à utiliser le courrier électronique. En 1996, moins de 10 groupes de femmes avaient un accès à Internet. À l'automne 2001, on dénombrait plus 400 groupes possédant une adresse électronique. Pourtant, il est essentiel que les groupes de femmes prennent leur place dans la société de l'information et participent activement à l'élaboration des politiques, pour que celles-ci reflètent les préoccupations et répondent aux besoins des femmes.
L'appropriation des TIC par les femmes et les groupes de femmes représente un enjeu de taille pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes. Les femmes doivent revendiquer leur droit à une pleine représentation ainsi qu'à la participation à l'élaboration des politiques dans le cadre de la société de l'information, notamment en développant l'utilisation des TIC à des fins citoyennes, dans le but de prendre leur place dans le cyberespace.
L'information est de plus en plus disponible en ligne et la prise de décisions politiques se fait de plus en plus sur Internet, par le biais notamment de consultations publiques en ligne auprès des « citoyen-ne-s » individuel-le-s, sans faire appel à l'expertise des organismes de la société civile tels les groupes de femmes. Les groupes non-branchés ou moins informatisés risquent de ne pas pouvoir exercer leurs droits démocratiques faute de connaître cette information. Ainsi, des renseignements concernant un nouveau projet de loi, un changement de politique, un programme de subvention, une consultation publique, etc. risque de ne pas leur parvenir, ou de leur parvenir trop tard. Si les groupes de femmes ne prennent pas leur place politique, elles se retrouveront à l'extérieur du processus d'élaboration des politiques qui les concernent. À l'échelle du monde, les groupes de femmes ne sont que peu consultés, en dépit de leur expertise sur plusieurs questions importantes liées à Internet, telles que la violence faite aux femmes, la pornographie, le trafic des femmes, la montée de la misogynie et de l'anti-féminisme ou autres. Les femmes au Canada et au Québec ne font pas exception.
La démocratie en ligne veut dire aussi que l'information et les ressources reflètent les réalités, les besoins des citoyen-ne-s concerné-e-s, dans ce cas-ci, les femmes.
L'information qui se trouve en ligne sur les portails gouvernementaux - québécois comme fédéral - n'inclut que des renseignements disparates et divers en lien avec la condition féminine. On constate un manque de reconnaissance des besoins spécifiques des femmes. Il faudrait que les besoins et intérêts des femmes soient mieux représentés pour favoriser l'accès des femmes et des groupes de femmes aux informations les concernant. L'association canadienne Womenspace a mené une campagne pour que le portail du gouvernement fédéral offre une vitrine axée sur la condition féminine, au même titre que celles qui sont à la disposition des aîné-e-s, des peuples autochtones et des jeunes. Ce n'est pas fait. Le portail québécois ne présente pas non plus de vitrine pour les femmes, même si la plupart des portails régionaux du gouvernement du Québec l'offrent.
J'aimerais vous parler d'une expérience d'actualité, qui touche aux groupes de femmes et à la démocratie en ligne au Québec. Plusieurs d'entre vous êtes sans doute au courant du fait que depuis la fin janvier, la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec tient une commission parlementaire sur l'égalité entre les femmes et les hommes. En plus de procéder de la façon habituelle à la commission parlementaire (rédaction et soumission d'un mémoire écrit, présentation du mémoire devant la commission), les citoyen-ne-s et les groupes avaient la possibilité d'y participer par le biais d'une consultation en ligne. Comment se concrétisait cette consultation en ligne ? Il y avait la possibilité de télécharger un document en format Word, comportant des questions portant sur l'Avis « Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes », le document de consultation de la commission parlementaire. Les citoyen-ne-s ou groupes devaient ensuite envoyer leur document Word complété par courriel, en pièce jointe. L'autre possibilité offerte était de répondre aux mêmes questions contenues dans un document en format HTML cette fois, mais non téléchargeable et impossible à sauvegarder - il fallait donc répondre à l'ensemble des questions d'un seul coup.
Par ailleurs, la consultation en ligne ne présentait pas d'occasion de discussion collective des enjeux et des propositions de l'Avis, par exemple par le biais de babillards ou de discussions en ligne. La « consultation en ligne » était simplement, en fait, un accès en ligne à un document qu'on recevait et complétait de façon bien individuelle et retournait en tant que tel.
J'ai appris de bonne source qu'on suggérait aux groupes de femmes de participer de façon traditionnelle à la commission parlementaire, c'est-à-dire de rédiger et de présenter un mémoire écrit, plutôt que de participer à la consultation en ligne, cette dernière recevant une considération moindre de la part des commissaires. On m'a même dit à un moment donné que la Commission ne serait pas saisie des réponses à la consultation en ligne, mais cette information a été corrigée plus récemment. Les commissaires ont reçu les 24 documents de réponse à la consultation en ligne (contre les plus de 100 mémoires écrits qui ont été déposés) et les prendront en considération dans la préparation du rapport de la commission parlementaire.
Il s'agissait d'une première expérience pour l'Assemblée nationale. Il faut espérer que de telles expériences se répéteront, avec des améliorations en termes de la possibilité de tenir des échanges en ligne entre les citoyen-ne-s, un élément important de la démocratie, ainsi qu'une reconnaissance accrue du volet consultation en ligne.
Au niveau mondial, on note une nette progression des usages citoyens des TIC par les groupes de femmes depuis les toutes dernières années. Les questions femmes et TIC ont été inscrites à l'ordre du jour de nombreuses rencontres au Canada et à l'échelle du monde (à titre d'exemples : la consultation en ligne de l'Association Womenspace sur les femmes et les politiques au Canada à l'automne 2002 ; la rencontre du groupe d'expertes en Corée en novembre 2002, la 47e Commission sur la condition de la femme à l'ONU, en mars 2003 (dont l'une des deux thématiques prioritaires était les TIC) ; et les revendications des groupes de femmes à la première phase du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) en décembre 2003, etc.).
Plusieurs politiques adoptées au Québec, au Canada et dans le monde défendent les droits des femmes en lien avec les TIC et l'information ; il s'agit de s'assurer qu'elles sont ratifiées et surtout, mises en application en faveur des femmes :
« Augmenter la participation et l'accès des femmes à l'expression et la prise de décision par le biais des médias et des nouvelles technologies de la communication. » (traduction libre).
« Nous affirmons que le développement des TIC est porteur de multiples opportunités pour les femmes, qui devraient faire partie intégrante de la société de l'information et en être des acteurs clefs [sic]. Nous sommes résolus à faire en sorte que la société de l'information favorise l'autonomisation des femmes et leur participation pleine et entière, à égalité avec les hommes, dans toutes les sphères de la société, à tous les processus de prise de décision. Nous devrions favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes et, à cette fin, utiliser les TIC comme outil. »
Ce paragraphe a failli être rejeté par les participant-e-s à la première phase du Sommet mondial et les groupes de femmes du monde ont dû déployer de grands efforts de mobilisation et d'éducation populaire afin de faire comprendre l'importance de ce paragraphe pour les droits des femmes.
Le Canada a souscrit à ces ententes internationales, alors la vigilance est de mise afin de les faire respecter et appliquer.
Les femmes doivent prendre de la place dans le cadre de la démocratie en ligne, défendre le droit à une pleine représentation et la participation des femmes et des groupes de femmes à l'élaboration des politiques dans le cadre de la société de l'information.
L'accès et l'appropriation des TIC n'est plus une option pour les femmes et les groupes de femmes dans la mouvance démocratique actuelle, c'est une nécessité qui permet d'exercer avec égalité ses droits de participation citoyenne, en favorisant l'inclusion de toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec.
CEFRIO et Léger Marketing (2005). « Les Québécoises et Internet - NETendances 2004». Montréal : CEFRIO.
Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF) (2004). « Les groupes de femmes dans la société de l'information : prendre notre place poliTIC ». Montréal : CDÉACF. Version PDF, version HTML
Centre de documentation sur l'éducation des adultes et la condition féminine (CDÉACF) (2003). « Pour une cybercitoyenneté égalitaire ». Montréal.
« Définir des sociétés de l'information centrées sur les besoins des êtres humains ». (2003), Déclaration de la société civile au Sommet mondial sur la société de l'information - Adoptée à l'unanimité par la plénière de la société civile du SMSI le 8 décembre 2003. Version HTML, Version Word
Gouvernement du Québec (2004). « Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes - Avis de consultation(PDF) ». Québec : Commission parlementaire québécoise sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
Groupe de travail sur les stratégies des organismes non-gouvernementaux (femmes)
Hackett, Sharon et Claire David (2003). « Femmes et PoliTIC : pour une cyber-citoyenneté égalitaire ». In Jo Sutton et Scarlet Pollock (éditrices), Cyberégalité pour les femmes. Canada : Association Womenspace.
Millerand, Florence (1999). « Les TIC et les femmes - Bibliographie critique annotée ». Montréal (Québec) : Relais-femmes.
Millerand, Florence (2002). « Groupe de discussion sur les usages d'Internet dans les groupes de femmes: Faits saillants. Atelier Femmes et PoliTIC », Montréal (Québec) : CDÉACF.
Nations Unies (14 mars 2003). « Participation and access of women to the media, and information and communications technologies and their impact on and use as an instrument for the advancement and empowerment of women - agreed conclusions(PDF) ». New York, É.U. : 47e session de la Commission sur le statut de la femme, Nations Unies, 3-14 mars 2003.
Nations Unies (2002). « Information and communications technologies and their impact on and use as an instrument for the advancement and empowerment of women - Expert Group Meeting, 11-14 novembre 2002, République de Corée ». Division for the Advancement of Women (DAW), en coopération avec le International Telecommunications Union (ITU) et le United Nations ICT Task Force Secretariat.
Nations Unies (1995). « Déclaration de Beijing et plate-forme d'action ».
Pelletier, Francine. (2001) « Le monde communautaire et Internet: défis, obstacles et espoirs - résultats de l'enquête auprès des groupes communautaires ». Montréal (Québec) : Communautique
Pollock, Scarlet et Jo Sutton (2003). « Rapport de la consultation "Les femmes et l'Internet : participation, impact, autonomisation et stratégies" ». Canada : Association Womenspace
Sommet mondial sur la société de l'information (2003). « Déclaration de principes - Construire la société de l'information: un défi mondial pour le nouveau millénaire ». Genève.
Sommet mondial sur la société de l'information (2003). « Plan d'action ». Genève.